(La revanche du magnum)
Voici une sale histoire.
Il y a quelques semaines, lors d’une soirée entre amis improvisée à la dernière minute, j’avais apporté une bouteille pour laquelle j’avais eu un gros coup de cœur quelques semaines auparavant. Cette bouteille, c’était un magnum de syrah de Jean Delobre de la ferme des sept lunes en Ardèche, un rouge magnifique. Parmi les nombreuses bouteilles apportées par chacun, cette bouteille détonnait un peu. Au milieu des Viré-Clessé ou viognier d’apéro, entre les Vacqueyras ou autres Mercurey à Papa, mon magnum de syrah faisait un peu figure de "rebelle". Enfin pour moi…
L’assistance ce soir-là n’était pas, vous l’aurez compris, composée d’adeptes des vins nus. Pour autant, comme j’avais un très bon souvenir de ce vin, je l’imaginais consensuel et j’espérais honnêtement qu’il allait faire le bonheur de tous. Lorsque j’ai ouvert la bouteille, j’ai tout de suite compris que ça n’allait pas le faire. En effet, de prime abord, l’odeur au goulot n’était pas très engageante. Et, en bouche, le vin semblait réduit, fermé, difficile quoi.
Il y a quelques semaines, lors d’une soirée entre amis improvisée à la dernière minute, j’avais apporté une bouteille pour laquelle j’avais eu un gros coup de cœur quelques semaines auparavant. Cette bouteille, c’était un magnum de syrah de Jean Delobre de la ferme des sept lunes en Ardèche, un rouge magnifique. Parmi les nombreuses bouteilles apportées par chacun, cette bouteille détonnait un peu. Au milieu des Viré-Clessé ou viognier d’apéro, entre les Vacqueyras ou autres Mercurey à Papa, mon magnum de syrah faisait un peu figure de "rebelle". Enfin pour moi…
L’assistance ce soir-là n’était pas, vous l’aurez compris, composée d’adeptes des vins nus. Pour autant, comme j’avais un très bon souvenir de ce vin, je l’imaginais consensuel et j’espérais honnêtement qu’il allait faire le bonheur de tous. Lorsque j’ai ouvert la bouteille, j’ai tout de suite compris que ça n’allait pas le faire. En effet, de prime abord, l’odeur au goulot n’était pas très engageante. Et, en bouche, le vin semblait réduit, fermé, difficile quoi.
J’ai eu beau secouer la bouteille dans tous les sens, remuer le liquide dans mon verre, le vin restait désespérément fermé. Et, lorsque mes amis l'ont goûté, j’ai eu droit à quelques moqueries et sarcasmes un peu énervants. Pourtant, malgré le fait que ce vin n'était pas vraiment en place à ce moment précis, j'éprouvais quand même pour lui une certaine tendresse. Il me semblait - mais peut-être n'était-ce que mon imagination - percevoir, derrière cette bouche fermée et astringente, tout le potentiel de ce jus que j'avais adoré lors de sa première dégustation. Malheureusement, à cet instant, ce n'était pas son heure à cette bouteille. Un peu comme François Perrin (Patrick Dewaere) dans le fabuleux film Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, ma bouteille, accusée à tort de tous les maux par l'assistance, a vécu quelques moments difficiles. Agacé, j'ai viré le magnum de la table pour le poser à terre dans un coin de la pièce. Bannie de la table par la vindicte populaire, elle était mal en point ma syrah d'Ardèche.
Malgré cette déconvenue, je ne pouvais me résigner à me désaltérer avec une des vinasses technos et plates apportées par les autres, à boire ces vins sans âme. Entre le Mercurey "déclassé du cousin" aqueux et sans goût, le viognier d'Oc de grande surface, et le Vacqueyras informe d'un négociant, je frôlais l’écœurement. Je regrettais amèrement le souvenir des vins de l'ami Jean Delobre. Fort heureusement, mes amis ne semblaient pas non plus vraiment emballés par cette farandole de jus industriels. Du coup, les bières descendaient bien plus vite que les bouteilles de vin. Et puis, ce qui devait arriver arriva. Au bout de deux heures d'apéro, les munitions brassicoles vinrent à manquer et personne autour de la table n'avait vraiment envie de boire les vinasses restantes. Le magnum de Delobre était là, à mes pieds, à portée de main. Je tournais la tête pour le regarder. Il me souriait avec un air narquois et moqueur, ne demandant qu'à nous désaltérer.
Discrètement, je m'en remplissais un verre. Et là, un véritable tsunami de bonheur vint emplir mon palais. Le vin explosait de fruit, de fraicheur, de joie dans ma glotte. Il s'était tout simplement réveillé. Il avait évacué les brumes et cernes du sommeil dans son contenant et affichait une très belle fraîcheur matinale. Il avait une patate d'enfer quoi. Un immense sourire, accompagné d'une éructation spontanée et incontrôlée de plaisir, illumina si fort mon visage que tous les regards se tournèrent vers moi. Moi qui voulais faire discret, c'était plutôt raté.
Sourire narquois du magnum attendant d'être bu |
- "Vas-y. Fais goûter ton pinard."
- "Whaa mais c'est pas le même !"
- "Ben dis donc. Il est devenu vachement bon ton truc !"
- "Oulala ça se boit super bien ce vin !"
Mon magnum de syrah tenait sa revanche comme François Perrin en marquant les deux buts de la victoire de l'US Trimcamp. Circulant à toute allure autour de la table, il s'offrit sans effort une bien belle victoire. Il se vidait dans nos verres en passant du statut de pestiféré à celui d'idole, un bon coup de tête à tous ceux qui l'avaient décrié deux heures plus tôt.
Moralité : C'est parfois bien d'ouvrir les bouteilles un peu à l'avance...
"Moi, moi je lève mon verre à la plus formidable bande de salopards que j'ai jamais rencontré ! Je lève mon verre au tas d'ordures qui m'entoure. Et y a de quoi remplir une sacrée poubelle..." (Dialogues de Francis Veber)
Allez triquons! trinquons!
Coup de tête, sorti en 1979, est le deuxième film de Jean-Jacques Annaud, son seul film avec un sujet contemporain. J'adore ce film. Patrick Dewaere, immense acteur, y est extraordinaire.