(Je venais d'avoir 18 ans et je goûtais du Saint-Chinian)
Retournons 26 ans en arrière. Nous sommes en août 1989. J'ai 18 ans depuis quatre mois et je viens d'avoir le bac au rattrapage en même temps que mon permis de conduire. Complètement inconscients ou remplis d'une confiance qu'aujourd'hui père je ne peux qu'admirer, mes parents m'autorisent à partir en vacances dans le sud avec David, Max et Nathalie, mes récents copains de classe. Entassés dans la Renault 5 de David, nous nous élançons gaiement sur la RN88 en direction de Capestang à vingt kilomètres à l'ouest de Béziers en pensant à Didier, qui lui, avait malheureusement été retenu pour des raisons un peu obscures.
Pour mémoire, à cette époque, il n'y avait pas d'A75 ni de viaduc de Millau. La route était longue et sinueuse de Saint-Etienne à Béziers mais on s'en foutait. C'était nos premières vacances entre amis. Nous partions donc à Capestang pour un séjour paradisiaque et plein de liberté chez le Papy de David, un grand homme. Pendant deux semaines, les grillades aux sarments de vigne, le gros rouge, les coups de "trois-six"* et la chichoumée** du Papy de David nous réconfortaient de nos longues journées à la plage de Valras, des plongées inconscientes dans le gouffre de l’œil-doux, de nos sorties en boîte de nuit au Phoebus à Gruissan, de nos balades nocturnes le long du canal du Midi ou dans les allées Paul Riquet à Béziers.
Un jour de grand vent, pour nous éviter une cruelle désillusion à la plage, le Papy nous conseilla une visite culturelle. "Allez donc faire un tour dans les vignes" nous avait-il dit. "Allez à la cave de Saint-Chinian pour goûter du bon vin." Nous voilà donc partis pour mon tout premier road-trip pinardier. Saint-Chinian, Minerve, Saint-Jean-de-Minervois, détour par Olonzac pour les olives. Une journée mémorable. On en parle encore. Au fond de ma cave, il me reste encore une bouteille de Saint-Chinian "Renaud de Vallon" de la cave coopérative. C'est la toute première bouteille de vin que j'ai achetée, tout seul, avec mes sous. Je la garde comme une relique, comme la pierre fondatrice.
Depuis ce fabuleux séjour, je n'avais pratiquement jamais regoûté de Saint-Chinian. Mais, coup sur coup, j'ai découvert quelques merveilleuses bouteilles grâce à de talentueux cavistes (lui et lui).
Tout d'abord, Le Laouzil de Thierry Navarre. Un vin plantureux mais fruité, frais mais ample. Un super vin qui descend à toutes pompes dans le gosier, un vrai vin de copains. Et puis, à l'occasion d'un salon d'anthologie, j'ai découvert avec un grand bonheur la production du domaine des Eminades conduit par Patricia et Luc Bettoni. J'ai vraiment beaucoup aimé les trois vins que j'ai goûtés avec un gros coup de cœur pour "Vieilles Canailles" un 100% carignan vraiment démentiel. C'est d'ailleurs en goûtant cette belle production que tous les souvenirs ci-dessus sont remontés à la surface de ma mémoire. Et, aujourd'hui, j'enrage de n'avoir acheté que deux bouteilles. Mais bon, je me rattraperai prochainement.
Max, Nathalie et David sont toujours mes amis 26 ans après. Même si la vie nous a géographiquement séparés, nous essayons de nous voir au moins une fois par an. C'est mes potes quoi. Je rêve de retourner à Capestang avec eux.
La prochaine fois qu'on se voit, on boira du Saint-Chinian, en pensant au Papy de Capestang...
* Alcool assez rude dont je ne connais pas l'origine du nom.
** Genre de ratatouille en bien mieux avec plein de lard dedans.